logo_rn.jpg (9570 octets)


Documents : Textes officiels


Organisation des Nations Unies : Résolution 955 du 08/11/1994

Distr.
GÉNÉRALE

 

S/RES/955 (1994)
19941108>
08 novembre 1994

 

 

RÉSOLUTION 955 (1994)

 

Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 3453séance,

le 8 novembre 1994

 

Le Conseil de sécurité,

Réaffirmant toutes ses résolutions antérieures sur la situation au Rwanda,

 

Ayant examiné les rapports que le Secrétaire général lui a présentés conformément au paragraphe 3 de sa résolution 935 (1994) du 1er juillet 1994 (S/1994/879 et S/1994/906), et ayant pris acte des rapports du Rapporteur spécial pour le Rwanda de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies (S/1994/1157, annexe I et annexe II),

 

Saluant le travail accompli par la Commission d'experts créée en vertu de sa résolution 935 (1994), en particulier son rapport préliminaire sur les violations du droit international humanitaire au Rwanda que le Secrétaire général lui a transmis dans sa lettre du 1er octobre 1994 (S/1994/1125),

 

Se déclarant de nouveau gravement alarmé par les informations selon lesquelles des actes de génocide et d'autres violations flagrantes, généralisées et systématiques du droit international humanitaire ont été commises au Rwanda,

 

Constatant que cette situation continue de faire peser une menace sur la paix et la sécurité internationales,

 

Résolu à mettre fin à de tels crimes et à prendre des mesures efficaces pour que les personnes qui en sont responsables soient traduites en justice,

 

Convaincu que, dans les circonstances particulières qui règnent au Rwanda, des poursuites contre les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire permettraient d'atteindre cet objectif et contribueraient au processus de réconciliation nationale ainsi qu'au rétablissement et au maintien de la paix,

 

Estimant que la création d'un tribunal international pour juger les personnes présumées responsables de tels actes ou violations contribuera à les faire cesser et à en réparer dûment les effets,

 

Soulignant qu'une coopération internationale est nécessaire pour renforcer les tribunaux et l'appareil judiciaire rwandais, notamment en raison du grand nombre de suspects qui seront déférés devant ces tribunaux,

 

Considérant que la Commission d'experts créée en vertu de la résolution 935 (1994) devrait continuer à rassembler de toute urgence des informations tendant à prouver que des violations graves du droit international humanitaire ont été commises sur le territoire du Rwanda, et qu'elle devrait présenter son rapport final au Secrétaire général le 30 novembre 1994 au plus tard,

 

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

 

1. Décide par la présente résolution, comme suite à la demande qu'il a reçue du Gouvernement rwandais (S/1994/1115), de créer un tribunal international chargé uniquement de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'États voisins, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994, et d'adopter à cette fin le Statut du Tribunal criminel international pour le Rwanda annexé à la présente résolution;

 

2. Décide que tous les États apporteront leur pleine coopération au Tribunal international et à ses organes, conformément à la présente résolution et au Statut du Tribunal international, et qu'ils prendront toutes mesures nécessaires en vertu de leur droit interne pour mettre en application les dispositions de la présente résolution et du Statut, y compris l'obligation faite aux États de donner suite aux demandes d'assistance ou aux ordonnances émanant d'une Chambre de première instance, conformément à l'article 28 du Statut, et prie les États de tenir le Secrétaire général informé des mesures qu'ils prendront;

 

3. Considère qu'une notification devrait être adressée au Gouvernement rwandais avant que des décisions ne soient prises en vertu des articles 26 et 27 du Statut;

 

4. Prie instamment les États ainsi que les organisations intergouvernementales et non gouvernementales d'apporter au Tribunal international des contributions sous forme de ressources financières, d'équipements et de services, y compris des services d'experts;

 

5. Prie le Secrétaire général de mettre en oeuvre d'urgence la présente résolution et de prendre en particulier des dispositions pratiques pour que le Tribunal international puisse fonctionner effectivement le plus tôt possible, notamment de lui soumettre des recommandations quant aux lieux où le siège du Tribunal international pourrait être établi, et de lui présenter des rapports périodiques;

 

6. Décide qu'il choisira le siège du Tribunal international en fonction de critères de justice et d'équité ainsi que d'économie et d'efficacité administrative, notamment des possibilités d'accès aux témoins, sous réserve que l'Organisation des Nations Unies et l'État où le Tribunal aura son siège concluent des arrangements appropriés qui soient acceptables pour le Conseil de sécurité, étant entendu que le Tribunal international pourra se réunir ailleurs quand il le jugera nécessaire pour l'exercice efficace de ses fonctions; et décide d'établir un bureau au Rwanda et d'y conduire des procédures, si cela est possible et approprié, sous réserve de la conclusion d'arrangements adéquats analogues;

 

7. Décide d'envisager d'augmenter le nombre de juges et de chambres de première instance du Tribunal international si cela s'avère nécessaire;

 

8. Décide de rester activement saisi de la question.

 

ANNEXE

 

Statut du Tribunal international pour le Rwanda

 

Créé par le Conseil de sécurité agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Tribunal criminel international chargé de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'États voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 (ci-après dénommé "Tribunal international pour le Rwanda") exercera ses fonctions conformément aux dispositions du présent statut.

 

Article premier

 

Compétence du Tribunal international pour le Rwanda

 

Le Tribunal international pour le Rwanda est habilité à juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de telles violations commises sur le territoire d'États voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994, conformément aux dispositions du présent statut.

 

Article 2

 

Génocide

 

1. Le Tribunal international pour le Rwanda est compétent pour poursuivre les personnes ayant commis un génocide, tel que ce crime est défini au paragraphe 2 du présent article, ou l'un quelconque des actes énumérés au paragraphe 3 du présent article.

 

2. Le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

 

a) Meurtre de membres du groupe;

 

b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe;

 

c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;

 

d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;

 

e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.

 

3. Seront punis les actes suivants :

 

a) Le génocide;

 

b) L'entente en vue de commettre le génocide;

 

c) L'incitation directe et publique à commettre le génocide;

 

d) La tentative de génocide;

 

e) La complicité dans le génocide.

 

Article 3

 

Crimes contre l'humanité

 

Le Tribunal international pour le Rwanda est habilité à juger les personnes présumées responsables des crimes suivants lorsqu'ils ont été commis dans le cadre d'une attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile quelle qu'elle soit, en raison de son appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse :

 

a) Assassinat;

 

b) Extermination;

 

c) Réduction en esclavage;

 

d) Expulsion;

 

e) Emprisonnement;

 

f) Torture;

 

g) Viol;

 

h) Persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses;

 

i) Autres actes inhumains.

 

Article 4

 

Violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève

et du Protocole additionnel II

 

Le Tribunal international pour le Rwanda est habilité à poursuivre les personnes qui commettent ou donnent l'ordre de commettre des violations graves de l'article 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949 pour la protection des victimes en temps de guerre, et du Protocole additionnel II auxdites Conventions du 8 juin 1977. Ces violations comprennent, sans s'y limiter :

 

a) Les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes, en particulier le meurtre, de même que les traitements cruels tels que la torture, les mutilations ou toutes formes de peines corporelles;

 

b) Les punitions collectives;

 

c) La prise d'otages;

 

d) Les actes de terrorisme;

 

e) Les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur;

 

f) Le pillage;

 

g) Les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés;

 

h) La menace de commettre les actes précités.

 

Article 5

 

Compétence ratione personae

 

Le Tribunal international pour le Rwanda a compétence à l'égard des personnes physiques conformément aux dispositions du présent statut.

 

Article 6

 

Responsabilité pénale individuelle

 

1. Quiconque a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter un crime visé aux articles 2 à 4 du présent statut est individuellement responsable dudit crime.

 

2. La qualité officielle d'un accusé, soit comme chef d'État ou de gouvernement, soit comme haut fonctionnaire, ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale et n'est pas un motif de diminution de la peine.

 

3. Le fait que l'un quelconque des actes visés aux articles 2 à 4 du présent statut a été commis par un subordonné ne dégage pas son supérieur de sa responsabilité pénale s'il savait ou avait des raisons de savoir que le subordonné s'apprêtait à commettre cet acte ou l'avait fait et que le supérieur n'a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que ledit acte ne soit commis ou en punir les auteurs.

 

4. Le fait qu'un accusé a agi en exécution d'un ordre d'un gouvernement ou d'un supérieur ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale mais peut être considéré comme un motif de diminution de la peine si le Tribunal international pour le Rwanda l'estime conforme à la justice.

 

Article 7

 

Compétence ratione loci et compétence ratione temporis

 

La compétence ratione loci du Tribunal international pour le Rwanda s'étend au territoire du Rwanda, y compris son espace terrestre et son espace aérien, et au territoire d'États voisins en cas de violations graves du droit international humanitaire commises par des citoyens rwandais. La compétence ratione temporis du Tribunal international s'étend à la période commençant le 1er janvier 1994 et se terminant le 31 décembre 1994.

 

Article 8

 

Compétences concurrentes

 

1. Le Tribunal international pour le Rwanda et les juridictions nationales sont concurremment compétents pour juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de telles violations commises sur le territoire d'États voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994.

 

2. Le Tribunal international pour le Rwanda a la primauté sur les juridictions nationales de tous les États. À tout stade de la procédure, il peut demander officiellement aux juridictions nationales de se dessaisir en sa faveur conformément au présent statut et à son règlement.

 

Article 9

 

Non bis in idem

 

1. Nul ne peut être traduit devant une juridiction nationale pour des faits constituant de graves violations du droit international humanitaire au sens du présent statut s'il a déjà été jugé pour les mêmes faits par le Tribunal international pour le Rwanda.

 

2. Quiconque a été traduit devant une juridiction nationale pour des faits constituant de graves violations du droit international humanitaire ne peut subséquemment être traduit devant le Tribunal international pour le Rwanda que si :

 

a) Le fait pour lequel il a été jugé était qualifié crime de droit commun; ou

 

b) La juridiction nationale n'a pas statué de façon impartiale ou indépendante, la procédure engagée devant elle visait à soustraire l'accusé à sa responsabilité pénale internationale, ou la poursuite n'a pas été exercée avec diligence.

3. Pour décider de la peine à infliger à une personne condamnée pour un crime visé par le présent statut, le Tribunal international pour le Rwanda tient compte de la mesure dans laquelle cette personne a déjà purgé toute peine qui pourrait lui avoir été infligée par une juridiction nationale pour le même fait.

 

Article 10

 

Organisation du Tribunal international pour le Rwanda

 

Le Tribunal international comprend les organes suivants :

 

a) Les Chambres, soit deux Chambres de première instance et une Chambre d'appel;

 

b) Le Procureur; et

 

c) Un Greffe.

 

Article 11

 

Composition des Chambres

 

Les Chambres sont composées de 11 juges indépendants, ressortissants d'États différents et dont :

 

a) Trois siègent dans chacune des Chambres de première instance; et

 

b) Cinq siègent à la Chambre d'appel.

 

Article 12

 

Qualifications et élection des juges

 

1. Les juges doivent être des personnes de haute moralité, impartialité et intégrité possédant les qualifications requises, dans leurs pays respectifs, pour être nommés aux plus hautes fonctions judiciaires. Il est dûment tenu compte, dans la composition globale des Chambres, de l'expérience des juges en matière de droit pénal et de droit international, notamment de droit international humanitaire et des droits de l'homme.

 

2. Les juges siégeant à la Chambre d'appel du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 (ci-après dénommé "le Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie") siègent également à la Chambre d'appel du Tribunal international pour le Rwanda.

 

3. Les juges des Chambres de première instance du Tribunal international pour le Rwanda sont élus par l'Assemblée générale sur une liste présentée par le Conseil de sécurité, selon les modalités ci-après :

 

a) Le Secrétaire général invite les États Membres de l'Organisation des Nations Unies et les États non membres ayant une mission d'observation permanente au Siège de l'Organisation à présenter des candidatures;

 

b) Dans un délai de 30 jours à compter de la date de l'invitation du Secrétaire général, chaque État peut présenter la candidature d'au maximum deux personnes réunissant les conditions indiquées au paragraphe 1 ci-dessus et n'ayant pas la même nationalité et dont aucune n'a la même nationalité que l'un quelconque des juges de la Chambre d'appel;

 

c) Le Secrétaire général transmet les candidatures au Conseil de sécurité. Sur la base de ces candidatures, le Conseil dresse une liste de 12 candidats au minimum et 18 candidats au maximum en tenant dûment compte de la nécessité d'assurer au Tribunal international pour le Rwanda une représentation adéquate des principaux systèmes juridiques du monde;

 

d) Le Président du Conseil de sécurité transmet la liste de candidats au Président de l'Assemblée générale. L'Assemblée élit sur cette liste les six juges des Chambres de première instance. Sont élus les candidats qui ont obtenu la majorité absolue des voix des États Membres de l'Organisation des Nations Unies et des États non membres ayant une mission d'observation permanente au Siège de l'Organisation. Si deux candidats de la même nationalité obtiennent la majorité requise, est élu celui sur lequel se sont portées le plus grand nombre de voix.

 

4. Si un siège à l'une des Chambres de première instance devient vacant, le Secrétaire général, après avoir consulté les Présidents du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale, nomme une personne réunissant les conditions indiquées au paragraphe 1 ci-dessus pour siéger jusqu'à l'expiration du mandat de son prédécesseur.

 

5. Les juges des Chambres de première instance sont élus pour un mandat de quatre ans. Leurs conditions d'emploi sont celles des juges du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie. Ils sont rééligibles.

 

Article 13

 

Constitution du bureau et des Chambres

 

1. Les juges du Tribunal international pour le Rwanda élisent un président.

 

2. Après les avoir consultés, le Président nomme les juges du Tribunal international pour le Rwanda à l'une des Chambres de première instance. Les juges ne siègent qu'à la Chambre à laquelle ils ont été nommés.

 

3. Les juges de chaque Chambre de première instance choisissent un président qui conduit toutes les procédures devant cette Chambre.

 

Article 14

 

Règlement du Tribunal

 

Les juges du Tribunal international pour le Rwanda adopteront, aux fins de la procédure du Tribunal international pour le Rwanda, le règlement du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie régissant la mise en accusation, les procès en première instance et les recours, la recevabilité des preuves, la protection des victimes et des témoins et d'autres questions appropriées, en y apportant les modifications qu'ils jugeront nécessaires.

 

Article 15

 

Le Procureur

 

1. Le Procureur est responsable de l'instruction des dossiers et de l'exercice de la poursuite contre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumées responsables de telles violations commises sur le territoire d'États voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994.

 

2. Le Procureur, qui est un organe distinct au sein du Tribunal international pour le Rwanda, agit en toute indépendance. Il ne sollicite ni ne reçoit d'instructions d'aucun gouvernement ni d'aucune autre source.

 

3. Le Procureur du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie exerce également les fonctions de procureur du Tribunal international pour le Rwanda. Il dispose, pour le seconder devant le Tribunal international pour le Rwanda, de personnel supplémentaire, dont un procureur adjoint supplémentaire. Ce personnel est nommé par le Secrétaire général sur recommandation du Procureur.

 

Article 16

 

Le Greffe

 

1. Le Greffe est chargé d'assurer l'administration et les services du Tribunal international pour le Rwanda.

 

2. Le Greffe se compose d'un greffier et des autres fonctionnaires nécessaires.

 

3. Le Greffier est désigné par le Secrétaire général après consultation du Président du Tribunal international pour le Rwanda pour un mandat de quatre ans renouvelable. Les conditions d'emploi du Greffier sont celles d'un sous-secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.

 

4. Le personnel du Greffe est nommé par le Secrétaire général sur recommandation du Greffier.

 

Article 17

 

Information et établissement de l'acte d'accusation

 

1. Le Procureur ouvre une information d'office ou sur la foi des renseignements obtenus de toutes sources, notamment des gouvernements, des organes de l'Organisation des Nations Unies, des organisations intergouvernementales et non gouvernementales. Il évalue les renseignements reçus ou obtenus et décide s'il y a lieu de poursuivre.

 

2. Le Procureur est habilité à interroger les suspects, les victimes et les témoins, à réunir des preuves et à procéder sur place à des mesures d'instruction. Dans l'exécution de ces tâches, le Procureur peut, selon que de besoin, solliciter le concours des autorités de l'État concerné.

 

3. Tout suspect interrogé a le droit d'être assisté d'un conseil de son choix, y compris celui de se voir attribuer d'office un défenseur, sans frais, s'il n'a pas les moyens de le rémunérer et de bénéficier, si nécessaire, de services de traduction dans une langue qu'il parle et comprend et à partir de cette langue.

 

4. S'il décide qu'au vu des présomptions, il y a lieu d'engager des poursuites, le Procureur établit un acte d'accusation dans lequel il expose succinctement les faits et le crime ou les crimes qui sont reprochés à l'accusé en vertu du statut. L'acte d'accusation est transmis à un juge de la Chambre de première instance.

 

Article 18

 

Examen de l'acte d'accusation

 

1. Le juge de la Chambre de première instance saisi de l'acte d'accusation examine celui-ci. S'il estime que le Procureur a établi qu'au vu des présomptions il y a lieu d'engager des poursuites, il confirme l'acte d'accusation. À défaut, il le rejette.

 

2. S'il confirme l'acte d'accusation, le juge saisi décerne, sur réquisition du Procureur, les ordonnances et mandats d'arrêt, de dépôt, d'amener ou de remise et toutes autres ordonnances nécessaires pour la conduite du procès.

 

Article 19

 

Ouverture et conduite du procès

 

1. La Chambre de première instance veille à ce que le procès soit équitable et rapide et à ce que l'instance se déroule conformément au règlement de procédure et de preuve, les droits de l'accusé étant pleinement respectés et la protection des victimes et des témoins dûment assurée.

 

2. Toute personne contre laquelle un acte d'accusation a été confirmé est, conformément à une ordonnance ou un mandat d'arrêt décerné par le Tribunal international pour le Rwanda, placée en état d'arrestation, immédiatement informée des chefs d'accusation portés contre elle et déférée au Tribunal international pour le Rwanda.

 

3. La Chambre de première instance donne lecture de l'acte d'accusation, s'assure que les droits de l'accusé sont respectés, confirme que l'accusé a compris le contenu de l'acte d'accusation et l'invite à faire valoir ses moyens de défense. La Chambre de première instance fixe alors la date du procès.

 

4. Les audiences sont publiques à moins que la Chambre de première instance décide de les tenir à huis clos conformément à son règlement de procédure et de preuve.

 

Article 20

 

Les droits de l'accusé

 

1. Tous sont égaux devant le Tribunal international pour le Rwanda.

 

2. Toute personne contre laquelle des accusations sont portées a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement, sous réserve des dispositions de l'article 21 du statut.

 

3. Toute personne accusée est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie conformément aux dispositions du présent statut.

 

4. Toute personne contre laquelle une accusation est portée en vertu du présent statut a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :

 

a) À être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu'elle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l'accusation portée contre elle;

 

b) À disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à communiquer avec le conseil de son choix;

 

c) À être jugée sans retard excessif;

 

d) À être présente au procès et à se défendre elle-même ou à avoir l'assistance d'un défenseur de son choix; si elle n'a pas de défenseur, à être informée de son droit d'en avoir un, et, chaque fois que l'intérêt de la justice l'exige, à se voir attribuer d'office un défenseur, sans frais, si elle n'a pas les moyens de le rémunérer;

 

e) À interroger ou faire interroger les témoins à charge et à obtenir la comparution et l'interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge;

 

f) À se faire assister gratuitement d'un interprète si elle ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience;

 

g) À ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable.

 

Article 21

 

Protection des victimes et des témoins

 

Le Tribunal international pour le Rwanda prévoit dans son règlement de procédure et de preuve des mesures de protection des victimes et des témoins. Les mesures de protection comprennent, sans y être limitées, la tenue d'audiences à huis clos et la protection de l'identité des victimes.

 

Article 22

 

Sentence

 

1. La Chambre de première instance prononce des sentences et impose des peines et sanctions à l'encontre des personnes convaincues de violations graves du droit international humanitaire.

 

2. La sentence est rendue en audience publique à la majorité des juges de la Chambre de première instance. Elle est établie par écrit et motivée, des opinions individuelles ou dissidentes pouvant y être jointes.

 

Article 23

 

Peines

 

1. La Chambre de première instance n'impose que des peines d'emprisonnement. Pour fixer les conditions de l'emprisonnement, la Chambre de première instance a recours à la grille générale des peines d'emprisonnement appliquée par les tribunaux du Rwanda.

 

2. En imposant toute peine, la Chambre de première instance tient compte de facteurs tels que la gravité de l'infraction et la situation personnelle du condamné.

 

3. Outre l'emprisonnement du condamné, la Chambre de première instance peut ordonner la restitution à leurs propriétaires légitimes de tous biens et ressources acquis par des moyens illicites, y compris par la contrainte.

 

Article 24

 

Appel

 

1. La Chambre d'appel connaît des recours introduits soit par les personnes condamnées par les Chambres de première instance, soit par le Procureur, pour les motifs suivants :

 

a) Erreur sur un point de droit qui invalide la décision; ou

 

b) Erreur de fait qui a entraîné un déni de justice.

 

2. La Chambre d'appel peut confirmer, annuler ou réviser les décisions des Chambres de première instance.

 

Article 25

 

Révision

 

S'il est découvert un fait nouveau qui n'était pas connu au moment du procès en première instance ou en appel et qui aurait pu être un élément décisif de la décision, le condamné ou le Procureur peut saisir le Tribunal international pour le Rwanda d'une demande en révision de la sentence.

 

Article 26

 

Exécution des peines

 

Les peines d'emprisonnement sont exécutées au Rwanda ou dans un État désigné par le Tribunal international pour le Rwanda sur la liste des États qui ont fait savoir au Conseil de sécurité qu'ils étaient disposés à recevoir des condamnés. Elles sont exécutées conformément aux lois en vigueur de l'État concerné, sous la supervision du Tribunal.

 

Article 27

 

Grâce et commutation de peine

 

Si le condamné peut bénéficier d'une grâce ou d'une commutation de peine en vertu des lois de l'État dans lequel il est emprisonné, cet État en avise le Tribunal international pour le Rwanda. Une grâce ou une commutation de peine n'est accordée que si le Président du Tribunal international pour le Rwanda, en consultation avec les juges, en décide ainsi dans l'intérêt de la justice et sur la base des principes généraux du droit.

 

Article 28

 

Coopération et entraide judiciaire

 

1. Les États collaborent avec le Tribunal international pour le Rwanda à la recherche et au jugement des personnes accusées d'avoir commis des violations graves du droit international humanitaire.

 

2. Les États répondent sans retard à toute demande d'assistance ou à toute ordonnance émanant d'une Chambre de première instance et concernant, sans s'y limiter :

 

a) L'identification et la recherche des personnes;

 

b) La réunion des témoignages et la production des preuves;

 

c) L'expédition des documents;

 

d) L'arrestation ou la détention des personnes;

 

e) Le transfert ou la traduction de l'accusé devant le Tribunal international pour le Rwanda.

 

Article 29

 

Statut, privilèges et immunités du Tribunal international

pour le Rwanda

 

1. La Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies en date du 13 février 1946 s'applique au Tribunal international pour le Rwanda, aux juges, au Procureur et à son personnel ainsi qu'au Greffier et à son personnel.

 

2. Les juges, le Procureur et le Greffier jouissent des privilèges et immunités, des exemptions et des facilités accordés aux agents diplomatiques, conformément au droit international.

 

3. Le personnel du Procureur et du Greffier jouit des privilèges et immunités accordés aux fonctionnaires des Nations Unies en vertu des articles V et VII de la Convention visée au paragraphe 1 du présent article.

 

4. Les autres personnes, y compris les accusés, dont la présence est requise au siège ou au lieu de réunion du Tribunal international pour le Rwanda bénéficient du traitement nécessaire pour assurer le bon fonctionnement du Tribunal.

 

Article 30

 

Dépenses du Tribunal international pour le Rwanda

 

Les dépenses du Tribunal international pour le Rwanda sont imputées sur le budget ordinaire de l'Organisation des Nations Unies conformément à l'Article 17 de la Charte des Nations Unies.

 

Article 31

 

Langues de travail

 

Les langues de travail du Tribunal international sont l'anglais et le français.

 

Article 32

 

Rapport annuel

 

Le Président du Tribunal international pour le Rwanda présente chaque année un rapport du Tribunal international pour le Rwanda au Conseil de sécurité et à l'Assemblée générale.

 

-----