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Dossier Génocide

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Documents : "dossier génocide"


L'association rwandaise "IBUKA" ("Souviens-toi" en kinyarwanda) a tenu ses assises en juillet 1999 à Kigali. Cette association regroupant victimes et membres de familles de victimes du génocide de 1994 a émis plusieurs recommandations concernant le drame vécu par les Rwandais en 1994. Les voici.


CONCLUSIONS DE LA CONFERENCE INTERNATIONALE SUR LE GENOCIDE

Organisée par l'association  IBUKA ("Souviens-toi") (a.s.b.l.) à l'Hôtel des Mille Collines (Kigali) du 30 juin au 3 juillet 1999.


Ayant étudié avec beaucoup d’attention et d’intérêts le thème "GENOCIDE, 5 ANS APRES : BILAN ET PERSPECTIVES" ;

Ayant constaté que le génocide des Batutsi tire son origine dans la colonisation belge et dans l’idéologie génocidaire des régimes politiques qu’elle a installé après l’indépendance ;

Ayant constaté que durant ces trois décennies les Batutsi ont successivement été victimes de la politique d’exclusion et d’extermination ;

Ayant constaté que le génocide de 1994 constitue le couronnement d’un long projet d’élimination systématique des Batutsi ;

Ayant constaté que ce génocide revêt un caractère particulier aussi bien par ses atrocités, sa rapidité que par son efficacité ;

Ayant constaté que ce génocide est le fruit de la responsabilité partagée de la Communauté Internationale, de certaines institutions, mais surtout de l’Etat Rwandais et de ses citoyens ;

Considérant que toutes ces responsabilités en appellent à une justice équitable qui bannit l’impunité et dédommage les survivants du génocide ;

Considérant que ces responsabilités en appellent à une obligation morale d’assistance aux Rescapés du génocide ;

Considérant que ce mal absolu doit demeurer parmi les plus inoubliables de l’histoire de l’humanité ;

Considérant que 5 ans après, les raisons relevant tant de la nature même du génocide que de la conjoncture des situations qu’il a provoquées ne permettent pas encore d’aboutir à une solution appropriée ;

Considérant que l’idéologie du génocide est un véritable fléau qui s’abat sur la région des Grands Lacs ;

Recommande ce qui suit :

A IBUKA :

1) Les participants recommandent la mobilisation de la communauté tant nationale qu’internationale à comprendre que le génocide concerne non seulement les rescapés du génocide, les Batutsi, les politiciens mais aussi et surtout l’humanité entière.

2) Les participants ont recommandé la mise en place rapide d’une structure régionale de prévention et de lutte contre le génocide dans la région des Grands Lacs.

3) Il est recommandé que soit établie une banque de données sur le génocide des Batutsi au Rwanda, banque de données qui comprendrait le nombre de rescapés de ce génocide et des listes nominatives des victimes.

4) Les participants recommandent que la Société civile en synergie avec l’Etat renforcent les activités de commémoration du génocide.

5) Les participants ont préconisé la tenue périodique des conférences pour expliquer suffisamment l’enjeu du génocide à toutes les couches de la société.

Au Gouvernement Rwandais

1) Il est recommandé la création de mécanismes précis visant à accélérer le jugement des génocidaires sans entraver la procédure pénale mais sans toutefois retomber dans l’impunité et la banalisation du génocide.

2) Les participants ont recommandé au Gouvernement Rwandais de mandater une commission conjointe : Société civile – Etat Rwandais pour identifier et évaluer les biens des présumés coupables de génocide poursuivis et des génocidaires condamnés. La dite commission serait aussi dotée des pouvoirs de surveillance sur ces biens, ce permettrait de sauvegarder les intérêts des parties civiles.

3) Les participants recommandent au Gouvernement Rwandais d’octroyer la personnalité juridique à IBUKA pour lui faciliter la tâche qui lui incombe de combattre efficacement le génocide.

4) Ils recommandent que les juridictions Gacaca ne servent pas à des fins de désengorgement des prisons mais plutôt à des fins de justice, de mémoire et resociabilisation du peuple rwandais.

5) Les participants recommandent que tous les témoignages recueillis et tous les objets pouvant servir de mémoire du génocide au cours des procès Gacaca soient collectés, documentés et conservés soigneusement à des fins éducatives pour les générations futures.

6) Les participants ont recommandé la mise en place d’un fonds d’indemnisation des victimes du génocide.

7) Il est recommandé que des centres de traitement du traumatisme dû au génocide soient multipliés et renforcés.

8) Il est recommandé au gouvernement et au parlement rwandais que dans un délai judicieux une loi sanctionnant le génocide, les actes de négationnisme, de révisionnisme et toute forme de banalisation du génocide soit promulguée.

9) Il est recommandé que le mémorial national du génocide dont la première pierre a été posée au rond-point central de Kigali le 6 avril 1996 soit erigé dans les meilleurs délais.

A la Communauté Internationale

1) Les participants ont regretté que dans beaucoup d’écrits, il est fait mention de "génocide rwandais". Ils ont alors préconisé que le terme adéquat pour identifier ce mal absolu soit plutôt "le génocide des BATUTSI du Rwanda" dans cet ordre d’idées, ils ont fustigé toute forme de négationnisme de ce génocide.

2) Vu l’extension et la propagation de l’idéologie du génocide dans la région des Grands lacs, les participants ont recommandé une mise en place rapide d’instruments juridiques appropriés pour la répression du crime de génocide dans les pays où le génocide a été commis notamment au Rwanda, au Burundi et en République Démocratique du Congo.

3) Les participants recommandent aux organes habilités de l’ONU d’amender le statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda de manière à :

- Etendre sa compétence à l’octroi des dommages et intérêts aux victimes des infractions de sa compétence habituelle ;

- Assouplir la procédure d’administration de la preuve dans l’optique du système Romano-Germanique qui consacre le principe de l’intime conviction du juge pénal, étant donnée la difficulté rencontrée par les victimes du génocide pour prouver d’après les modes du système du " Common Law " en vigueur au T.P.I.R., compte tenu du contexte particulier de la perpétration du génocide au Rwanda.

4) Les participants recommandent à la Communauté Internationale de condamner le génocide des Batutsi qui se perpétue dans la région des Grands Lacs, de combattre le révisionnisme qui gagne de plus en plus le terrain dans les milieux qui abritent les commanditaires de ce génocide.

5) Les participants à la conférence ont suggéré qu’il y ait un suivi, un monitoring pour la prévention du crime de génocide car il a été constaté que plusieurs communautés portent en elles des germes de génocide.

Les participants remercient les organisateurs de la conférence, le Gouvernement Rwandais, les intervenant tant nationaux qu’étrangers ainsi que tous les participants pour leur contribution enrichissante dans la recherche de solutions aux multiples problèmes consécutifs au génocide.