Il y a six ans, le génocide des Tutsi du Rwanda emportait
les vies de plus d'un million de vieillards, de femmes, d'hommes, d'enfants et de bébés.
Le temps a passé et les séquelles du génocide sont toujours visibles au Rwanda.
Le temps a passé et une constante demeure : négationnisme
et révisionnisme, nés pendant le drame, n'ont cessé de nier, de réviser ou de
banaliser le troisième génocide du vingtième siècle. Si ce souci de transformer la
réalité n'est pas surprenant de la part des idéologues du génocide, il l'est davantage
de la part des journalistes des grands medias occidentaux. Que la désinformation ait
été ou non volontaire de la part de ces journalistes, il en résulte tout de même que
ces "professionnels" de l'information n'ont pas fait -et continuent à ne pas
faire pour certains...- correctement leur métier.
Passons sur le fameux "antagonisme séculaire entre
Hutu et Tutsi", passons également sur "le retour de la féodalité" ou
autres inepties, celles-ci sont le plus souvent dues à l'ignorance de l'histoire et de la
réalité rwandaise. Plus graves sont les manipulations des faits "en direct
live" : la presse écrite, parlée ou télévisée a eu une couverture empreinte de
cynisme pendant les cent jours qu'a duré le génocide, ce qui a d'ailleurs certainement
eu une influence sur le cours de l'histoire rwandaise, relayant en cela quelques grandes
"puissances", étatiques (France, USA, Belgique...) ou internationales (ONU,
église catholique...), comme vient de le reconnaître l'Organisation de l'Unité
Africaine.
D'abord présentés comme des actes de guerre civile
(souvenez-vous : les Rwandais "s'entretuaient"...), le génocide est devenu
"double" lorsque le choléra a frappé les réfugiés de Goma, tout comme la
prise du pouvoir par le FPR a pu être taxée de "coup d'état" à la mi-juillet
1994. Dans le même temps, le sinistre "gouvernement intérimaire" autoproclamé
avait accès au médias, tout comme son représentant auprès des Nations Unies avait
accès au réunions du Conseil de sécurité de l'organisation...
Dans ce génocide médiatisé, il a été souvent plus
question de "spectacle" que de pédagogie. Les parallèles établis par de
nombreux journalistes voulaient frapper l'imagination de l'opinion publique au détriment
de la vérité. Les expressions du style "khmers noirs" (à propos des soldats
du FPR) ou "peuple majoritaire" (à propos des bourreaux) fleurissaient dans les
articles consacrés au Rwanda à cette époque.
Des sommets de désinformation ont été atteints lors de
l'Opération Turquoise mise en place par l'armée française. Les medias français, en
particulier, utilisant les moyens techniques et logistiques de militaires hexagonaux, ont
plus souvent servi de relais à la propagande que de "cinquième pouvoir". Les
images des courageux militaires français creusant latrines et fosses communes avaient
bien vite remplacé les victimes des forces "génocidaire", images qui
d'ailleurs étaient devenues plus que rares après les évacuations des occidentaux par la
France ou la Belgique, puis le retrait de la MINUAR.
Il semble d'ailleurs étonnant que le sort des réfugiés
de Bukavu et de Goma ait pu être à ce point si différent : le choléra a subitement
fait son apparition là où les infrastructures d'aide d'urgence et... celles de
télécommunications étaient les plus présentes. Avez-vous entendu parler de choléra à
Bukavu ? En tous cas, celui de Goma fut le bienvenu pour certains... Troublant, non ?
Puis après la libération du pays par la seule force
militaire ayant essayé de stopper celles du génocide, la presse fit des procès
d'intention au nouveau gouvernement issu de l'esprit des accords d'Arusha. Gouvernement
"tutsi et anglophone" a-t-on pu lire à l'époque alors que sa composition
était plutôt "hutu et francophone" -même si le temps a changé ces données.
Les exemples ne manquent pas.
Cette vision déformée du problème rwandais a la vie
dure. Elle est également la raison de ce dossier sur le génocide des Batutsi du Rwanda
de 1994. Vous trouverez un ensembles de textes officiels, d'extraits de livres, d'articles
de presse ainsi que quelques contributions à propos du génocide. Tout ceci visant à
rétablir certaines vérités et à fournir une base documentaire sur le génocide.
Rétablir une vérité transformée, manipulée ou niée ou
tout simplement se souvenir : ceci est la moindre des choses que l'on puisse faire en
souvenir des victimes.
Jean-Luc Chavanieux,
RwandaNet, août 2000.